Une page sombre, direz-vous ? Oui, je confirme :

Le Palazzo Albrizzi resta alors inoccupé durant tout le printemps, et Woody Allen accepta de me le prêter quelques semaines, afin que je puisse me consacrer entièrement à mon nouveau concept. Ce matin-là, comme j’avais enfin terminé cette maudite codification javascript de 571 lignes, je décidai d’aller remercier Meryl Streep pour sa fabuleuse soirée, mais une horrible migraine me vrillait la cervelle et je décidai de remettre ça au lendemain. Je me rendis au marché du Rialto où j’achetai des artichauts, j’en pris 3 kg. J’aimais les préparer avec un filet de matreau, un plat dont je raffole et dont j’avais été si souvent privé lors de mon enfance à Zermatt.

De retour à la maison, je déballai mes légumes sur la table de la cuisine et, kalice ! ils avaient un reflet franchement bleu qui donnait la chair de poule (était-ce dû à une pollution industrielle ?). Allez hop ! dans le faitout. A la télévision passait Lalanne, dans une émission qui plaisait bien à la gouvernante affectée à l'étage que j'occupais dans le palazzo. Appelons-là Mina. En fait cette blondinette-roussette venait surtout pour se passer du vernis à ongles et elle restait même parfois plus tard dans la soirée pour quelque moment de détente supplémentaire. Une situation qui me convenait bien, à l’époque, cette jeune personne n’étant point trop jalouse ni intellectuelle et toujours souriante.

Bon, il était temps de passer à table, la télé braillait, une voie intérieure me susurrait que quelque chose clochait, je fis le tour des pièces. Las, dans mon bureau l’ordinateur avait disparu (AVEC mon précieux SCRIPT !!!) ainsi que mon nounours en plâtre mauve et aussi mon vieux pot à crayon de murano. Je téléphonai aussitôt à VianelloPatta pour diligenter une enquête qui ne manquerait pas de confirmer les soupçons de vol que j'avais envers Mina. Ce fut une des périodes les plus sombres de ma vie.

Mais voici la fin de l'histoire
En dix minutes, VianelloPatta établit que la jeune personne avait tout simplement porté l’ordinateur dans le Cannaregio pour le faire nettoyer de tous les trojan qui l'infectaient. En fait, je le lui avais bien demandé... J’avais bien sauvegardé le fichu script sur une clé usb, la clé était là, sous mes yeux, elle me narguait. Et de toute façon, personne n’avait touché aux Guardi et aux Longhi qui encombraient le bureau. C’est cette fichue soirée arrosée qui m’avait complètement lessivé la tête.

Une page sombre ? En déplaçant l’ordinateur, la jeune personne avait fait tomber derrière le meuble les deux bibelots qui me restaient de ma tendre enfance à Zermatt, où j’avais deux nurses britanniques chargées de m’apprendre le russe et l’hindi. Je les retrouvai complètement par hasard, ils n'étaient pas abimés, je les replaçai sur l'étagère.
Une sourde tristesse m'envahit.

Dans une prochaine page, un autre épisode de ma vie : "Une joie indescriptible". A suivre…
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Merci à Daniel C. Peterson pour son script, utilisé ici