Il y a à Venise une profusion presque incroyable de lions en pierre. La ville est couverte de lions : lions ailés et lions ordinaires, grands et petits lions, lions sur les portes et lions sous les fenêtres, lions dans les niches, lions vaniteux dans des jardins, lions dressés, lions endormis, lions aimables, lions féroces, lions rachitiques, lions pleins de vitalité, (...) lions sur des cheminées, sur des pots de fleurs, sur des grilles de jardins, sur des écussons, sur des médaillons, épiant parmi les feuillages, rugissant sur des colonnes, lions sur des drapeaux (...) On compte soixante-quinze lions sur la Porta della Carta, qui est l'entrée principale du Palais des Doges. Il y a un lion ailé sur toutes les plaques des compagnes d'assurances. (...) Le lion le plus stupide est au Jardin public. Minerve monte en amazone cette bête bouffonne, et sur son casque est perchée une autre curiosité anatomique - une chouette avec des genoux. Le lion le plus fantastique est celui que l'on appelle le lion-crabe. Il ressemble moins à un crabe qu'à une goule emplumée. (...) Le plus revêche est sur un pont proche de Santa Chiara, derrière le parc à voitures, où des marches moisies descendent jusqu'au canal comme un escalier de Dickens, et cette bête peu aimable jette sur vous un regard menaçant. (...) Ceux qui ont le plus souffert sont les lions de porphyre, sur la Piazzetta dei Leoncini, au nord de la Basilique, que des générations de petits Vénitiens (ndr : et trop de touristes adultes) ont utilisés comme chevaux de bois. (...) Ils forment un élément essentiel de l'atmosphère de Venise et leurs images craquelées mais sympathiques ne cessent de vous hanter.
James Morris (Visa pour Venise)

Venise, la ville des pigeons et des chats, compte d'autres lions que les lions bisailés de l'Apôtre, qui ornent tous les étendards et tous les édifices de la Sérénissime République. En plus de tous ces lions, celui de la Piazzetta, avec sa face de chimère orientale, ceux du Palais des Doges devant lesquels les Doges Gritti et Foscari s'agenouillent, celui de la Tour de l'Horloge, ceux de l'Arsenal, et combien d'autres encore, en plus de tous ces lionceaux qui, à l'affût, semblent guetter le promeneur comme des chats de pierre, il ne faut pas oublier les quatre lions qui montent la garde devant l'Arsenal.(...) Ce sont des lions venus de Grèce...
M. Rivière-Sestier (Venise et les Iles de la Lagune, Horizons de France)

N'est-il pas curieux de découvrir combien je deviens xénophobe à Venise ? Bien qu'étranger moi-même, comme tous ceux qui viennent de l'extérieur, j'ai un honteux réflexe de xénophobie. Oui, je l'avoue, je ne veux pas d'autres étrangers que moi-même dans cette ville sublime ! Je veux y être seul avec mon amour !... et pour figurants, les Vénitiens. Tout autre étranger que nous-mêmes est de trop. Je sais, cela est tout à fait honteux mais je n'y puis rien ! A peine suis-je arrivé que je m'offusque du nombre exagéré "de gens pas d'ici", ne me comptant évidemment pas pour tel. Moi seul ai "découvert" tel tableau dans telle église où nul autre que moi, bien sûr - oui, j'ose le prétendre - ne va jamais. Tel quartier, tel restaurant sont mon quartier, mon restaurant, ah, ah ! Bref, à ma grande honte je suis comme tout le monde !
Rezvani (Venise qui bouge, Actes Sud)

J'étais le lion de Saint-Marc sur sa colonne. De là-haut, le monde me paraissait comme une carte dépliée.
Sous ma patte gauche, dormaient, à l'ombre, mon vieux dogat de Venise, un duché : mes provinces de Bergame, de Brescia, de Creme, de Vérone, de Vicence, de Padoue ; Feltrin, Bellunois et Cadorin, ma Marche Trévisane ; ma Polesine de Rovigo, et ma principauté de Ravenne. A l'ombre de ma patte droite, dormait le Frioul, dormait l'Istrie, dormait Zara, Spalato, dormaient les îles dalmates, la mer Ionienne de Corfou jusqu'à Zante, Patras, Argos, Coron, Moron, Egine et l'Eubée, et les Cyclades, et l'archipel et Cardie, et mon royaume de Chypre. A l'ombre d'une de mes pattes, dormaient un morceau de Constantinople, et Aloydos et Sestos, et Adrianapolis, et Nicomédie, et Gallipoli, et Héraclée, et Nicopolis ; dormaient mes consuls, mes églises et mes fours aux Echelles du Levant ; dormaient mes comptoirs d'Alexandrie, de Tyr, de Berythe, de Ptolemaïs et d'Astrakan.
Devant moi, Venise. Une lumière d'éclipse errante sur des rives incertaines, coulant le long des façades effacées, tombait dans l'eau, où le souffle d'une brise poussait, en millions d'accolades, les vagues contre les vagues.
E. et J. de Goncourt

Venise est pleine de lions en pierre et de chats paisiblement assis, au seuil des maisons, dans l'orbe de leur queue.
André Suarès

Viva el Doge, viva el mar! ... Viva Venezia! Viva San Marco! Evviva le glorie del nostro Leon, viva le glorie del nostro Leon!
Inno a San Marco - Canto popolare (entendu la première fois un 17 juillet via Garibaldi)

Gloria al Leon di Venezia !
Verdi - Otello, Atto III, Cipriotti

Venise, c'est comme manger une boîte entière de chocolats à la liqueur d'un seul coup.
Truman Capote

Je connais un pays étrange où les lions volent et marchent les pigeons.
Jean Cocteau

On raconte que saint Marc avait un lion domestique et qu'il voyageait avec lui ; partout où allait saint Marc, le lion allait aussi. Il était son protecteur, son ami, son bibliothécaire. Aussi le lion ailé de saint Marc avec sa patte posée sur la Bible ouverte est-il devenu l'emblème favori de la grande cité. Du haut de la plus ancienne colonne de Venise son ombre se dessine sur la grande place saint Marc, parmi la foule de citoyens libres, depuis des siècles. Son image se trouve partout, et là où il se tient, aucun malheur ne peut survenir.
Mark Twain (Le Voyage des Innocents, 1869)

Les terribles "condottieri" et les douces madones qui veillent sur les maisons ou au coin des "rii" font aussi bon ménage que les lions de pierre et les pigeons de chair. Ce n'est pas un des moindres mérites de Venise que d'avoir su apprivoiser les uns et les autres. C'est aussi le symbole de la force et de la grâce qui s'unissent pour donner à la ville son vrai visage de puissance et de gloire.
Michel Déon

Où vit-on des danseurs au bout des feuilles mortes,
Tant de lions couchés devant le seuil des portes,
Tant d'aiguilles de bois, de dentelles de fer,
De dentelles de marbre et de chevaux en l'air ?
Où vit-on tant de fruits qu'on charge et qu'on décharge ?
Tant de Jésus marcher sur l'eau,
Tant de pigeons marchant de long en large
Avec habit à queue et les mains dans le dos ?
...
Où vit-on atteler des hippocampes d'or ?
Jean Cocteau

Dans Venise la rouge,
Pas un bateau qui bouge,
Pas un pêcheur dans l'eau,
Pas un falot.
Seul, assis à la grève,
Le grand lion soulève,
Sur l'horizon serein,
Son pied d'airain.
Alfred de Musset

On ne quitte pas Venise, Monsieur, on s'en arrache.
Un séjour à Venise, c'est une étreinte.
François Mauriac

Accueil